Le mythe d`Orphe´e retentit dans l`oeuvre de Mallarme´, de ses premiers vers aux Poe´sies, traverse´e par de nombreuses "ombres" fe´minines, insaisissables et invisibles me^me comme Eurydice. L`analyse d`Entre quatre murs nous montre en effet que le poe`te adolescent, traumatise´ par la mort de sa me`re et celle de sa soeur surtout, enracine son re^ve dans ce mythe de la perte. Son lyrisme particulier s`eclo^t dans ce greffage du re^ve inconscient et du mythe. Il y a donc une correspondance profonde entre la poe´sie mallarme´enne et le mythe orphique, fonde´s, tous deux, sur la conception essentielle de la dualite´ : la lumie`re et l`ombre, la mort et la vie, l`absence et la pre´sence, le temps et la me´moire, la conscience et l`inconscient, le de´sir et son objet etc.... La dualite´ qui se manifeste, chez Mallarme´, dans l`opposition obsessionnelle de l`ide´e du Ne´ant et du Beau, se figure, en sa poe´sie, comme une lutte entre la vierge et la passion, le lys et la rose rouge, entre une nixe et une licorne en feu. Ainsi dans L`Apre`s midi d`un Faune et dans Plusieurs sonnets. Tout consiste a` re´concilier ces antagonistes pour en incarner une Figure, a` la fois vierge et vivace, pure et voluptueuse en me^me temps, que "Nul n`est" mais dont la pre´sence subsiste myste´rieusement, "sous le mirage interne des mots me^mes". La poe´sie de Mallarme´ semble se polariser dans ces efforts de re´conciliation, et s`e´rotiser me^me dans cette incarnation. La re^verie dialectique amoureuse se concentre dans He´rodiade, oeuvre qui cristallise en miroir d`encre la Femme du re^ve, la Beaute´ myste´rieuse. Ainsi s`ache`ve l`aventure inte´rieure, langagie`re de Mallarme´, pe´lerinage d`un nouvel Orphe´e.