Dolt-on se contenter de dire, avec Maurice Blanchot, qu``Une Saison en enfer est ≪l``oeuvre finale≫ de Rimbaud et que les Illuminations en ≪sont l``oeuvre ultime≫? Est-il Impossible de percer les mysteres qui subsistent dans les rapports tant chronologique qu``imaginaire entre ces deux oeuvres majeures de Rimbaud, si on ne recourt pas a des preuves extra-litteraires comme la graphologie (Bouillane de Lacoste, Andre Guyaux) ou les temoignages souvent suspectes des contemporains du poete (Isabelle Rimbaud, Ernest Delahaye, Paul Verlaine)? Si on laisse planer ces mysteres, Rimbaud restera toujours un "mythe" inebranlable malgre tant d``efforts des rimbaldiens. Afin de resoudre ce probleme majeur de la critique rimbaldienne, nous soumettons Une Saison en enfer a une lecture mythocritique. La methode proposee par Gilbert Durand consiste d``abord a "relever les themes redondants simon obsedants d``une oeuvre, ensuite a examiner les situations des personnages et des decors, enfin a les soumettre au traitement a l``americaine propose par Levi-Strauss", pour voir s``ils s``organisent en un recit mythique. Meme sans entrer dans les details, on peut dire que le recit d``Une Saison en enfer est typiquement dionysiaque. Car c``est le descensus ad inferos, histoire de la mort et de la renaissance du narrateur, qui rapelle le mythe de Dionysos, dieu ne deux fois. Et ci on regarde de pres le recit, on le voit deborder des mythemes dionysiaques: fete, ivresse due au yin, comportements a-sociaux (Prologue), demembrement et hallucinations sous l``effet de poison, demence d``un mortel qui se croit dote de pouvoirs divns (Nuit de l``enfer), folies, lamentations (Delires I, ii), etc. Une Saison en enfer, decrivant un sejour en enfer, peut etre definie comme une histoire dionysiaque. Mais II est aussi vrai que c``est une histoire oil le damne s``efforce de sortir do son enfer, en tirant au clair les raisons pour lesquelles 11 a ete damne (Mauvais sang, Impossible, L``Eclair). Cela revient a dire que, si le narrateur, devenu logique, s``en est sorti (Matin, Adieu), ce sejour en enfer ne s``enferme pas dans le cercle dionysiaque. D``autant plus que le narrateur affirme a la fin de l``oeuvre qu``il va entrer ≪aux splendides villes≫, et qu``il lui sera ≪loisible de posseder la verite dans une ame et un corps≫. Quel peut etre ce lieu de la lumiere et de la verite? Apres la ≪saison en enfer≫, vers ou se dirige-t-il, si ce n``est plus vers l``univers dionysiaque, ni apollinien, ni prometheen qu``iI a deja parcouru? N``est-ce pas vers des Illuminations ≪hermetiques≫ dans le sens ou elles sont avares de significations, mais ≪lumineuses≫ dans le sens oil elles eclairent un univers reste obscur? A notre avis, les Illuminations sont l``oeuvre ultime du Rimbaud sorti d`` ≪une saison finale en enfer≫.