C’est en rapport avec sa mere que Romain Gary pose la question d’identite dans son autobiographie, La Promesse de l’aube. Il y dresse, au nom de l’amour, un bouleversant portrait de sa mere dont l’enjeu est la creation de soi par soi. Gary pense avoir tout fait pour realiser le brillant avenir predit par sa mere. Il devait devenir ecrivain pour la legitimer et enfin pour la sauver. Mais il ne peut jamais s’assurer d’avoir tenu cette promesse a tel point qu’il ne peut se debarrasser d’elle malgre sa mort. Elle continue a dicter ce qu’il doit faire, par sa seule voix qu’il a interiorisee. Un episode frappant : sa mere lui a fait envoyer des lettres ecrites avant sa mort. En realite, c’etait lui qui les avaient ecrites. Pourquoi ce mensonge? C’est que pour lui, l’amour ne se dissocie pas de l’invention. Ces lettres fictives figurent la necessite urgente de renouer le cordon ombilical coupe par la mort : il avait besoin de l’amour maternel pour subsister ; il avait besoin de la faire revivre comme un etre qui a triomphe de la mort, qui devient la source scripturale pour son fils. Grace au cordon ombilical renoue avec sa mere, Gary peut faire revivre a la fois sa mere et lui-meme qui existait seulement par procuration de sa mere : en engendrant l’autre, il peut renaitre. En faisant un recit sublimant sa mere, il reussit a renouer un rapport avec un etre decede. Nous comprenons alors pourquoi Gary a choisi la biographie de sa mere pour ecrire son autobiographie : la biographie est un fantome de l’autobiographie.