Cet article se propose d`analyser le rapport d`Ahmadou Kourouma, ecrivain africain francophone, a la langue francaise. Kourouma a opte pour ecrire en francais, la langue du colonisateur, au lieu d`ecrire dans sa langue maternelle, le malinke. Pourtant le francais apparait a Kourouma comme une cotte mal taillee. Pour ecrire Les soleils des independances, son premier roman, il a traduit donc le malinke en francais. D`ou la malinkisation du francais. Il est significatif que les romans de Kourouma fassent une si large place au phenomene de la traduction et au personnage de l`interprete-griot. Le titre de son deuxieme roman, Monne, outrages et defis, n`echappe pas a cette regle, puisqu`il juxtapose un mot malinke a sa traduction francaise. Dans ses romans les exemples de cas d`alternance codique sont nombreux et le romancier utilise souvent les techniques de l`explication et de la traduction. Quant au dernier roman de Kourouma, Allah n`est pas oblige, la strategie d`ecriture consiste a donner la traduction dictionnairique, les explications des “gros mots” tantot aux “negres noirs africains indigenes”, tantot aux “Francais blancs”. Le francais ‘brise’ ou “p`tit negre” est une parole metissee et hybride. Ainsi, les romans de Kourouma montrent, selon des modalites differentes, la necessite qui s`impose au romancier africain francophone d`adapter la langue de l`Autre a la vision africaine. A nos yeux, chez Kourouma, l`heterogeneite linguistique et culturelle de l`auteur et de son lectorat fonctionne comme un tres puissant moteur de creation verbale.