Les discours posthumanistes sont en train d’elargir leur champ, dans le sillage du mouvement philosophique qui met en cause le ≪ sujet ≫ implique dans l’humanisme, ainsi que du developpement des technologies qui font envisager une mutation et une extension de l’organisme humain. Un des enjeux est le ≪ corps ≫, autour duquel se developpent des idees opposees. Il y a, d’un cote, les ≪ transhumanistes ≫, qui anticipent un monde ou l’humanite depasserait les limites corporelles, et, de l’autre cote, les ≪ posthumanistes critiques ≫, qui cherchent une voie de depassement de l’anthropocentrisme, dont ils lisent dans les discours transhumanistes l’ultime version. La Possibilite d’une ile (2005) presente des neo-humains (ou des posthumains) crees par duplication biologique : ils menent, aux alentours de l’an 4000, une vie tranquille mais sans joie et meme ennuyeuse. Le roman s’acheve sur la defection du neo-humain Daniel25, qui ne supporte plus cette existence. Les neo-humains de La Possibilite d’une ile sont proprement ≪ neo ≫ moins par leur constitution biologique que par leur integration numerique : ce n’est pas leur corps clone et augmente, mais leur environnement numerique qui les rend solitaires et souffrants. Les neo-humains qui font defection, qui fuient l’existence qui leur est programmee, refusent au fond l’≪ effacement du corps ≫ qu’implique la civilisation numerique. Le ≪ commentaire final, epilogue ≫, recit suivant la defection de Daniel25, transforme La Possibilite d’une ile en une sorte de ‘A la recherche du temps perdu’ du neo-humain, dans la mesure ou il s’agit d’un recit dont le declencheur est la sensation du corps et la conscience de la mortalite. Nous interpretons la defection de Daniel25comme une recherche du ≪ corps ≫, du corps en tant que ≪ sujet ≫. S’il s’arrete en chemin et entre dans un etat lethargique, ce n’est pas, comme il le pense, a cause de son corps humain, mais d’une certaine idee du corps : le corps comme prison a laquelle doit echapper l’esprit, ≪ identite sublime ≫. Tous les Daniel du roman . de Daniel1, ≪ ancetre ≫ du 21e siecle, a Daniel24 et 25, ses clones deux mille ans plus tard . sont prisonniers d’une conception du ≪ sujet ≫ qui se constitue en s’ecartant du corps, pour ne pas dire en l’ecrasant.