Au premier point de vue, il semble que rien ne lie Samuel Beckett, dramaturge et poete irlandais et Marcel Proust, lauteur du seul roman monumental qu`est A la recherche du temps perdu. Pourtant, si nous regardons de pres, il existe un lien indeniable entre ces deux. Le jeune Beckett de 24 ans, a la fin de son premier sejour a Paris en tant que lecteur d`anglais a l`Ecole Normale Superieure, redige Proust, un essai critique certes non conventionnel, et qui se veut surtout loin d`e.tre academique. Ecrit en sa langue natale, le texte ne sera traduit en francais qu`en 1990, soit soixante ans apres sa publication originale. L`objectif de cette etude est d`analyser de pres cet essai d`un point de vue circonstantielle et structurelle. L`ambivalence, voire l`incertitude de Beckett face au roman proustien explique les characteristiques hesitants du contenu et de la forme de son essai. La preface ainsi que le corps du texte demontrent que Beckett voit l`univers proustien dans sa dualite. D`abord, Beckett denonce le co.te de Proust comme individu ayant ecrit des lettres, des poesies ou des essais dans les salons parisiens afin de ne mettre en relief que l`ecrivain, auteur de La Recherche. La dualite se voit egalement dans le choix des themes traites. Sujet et objet (du desir) sont en etroite correlation dans leur rapport avec le temps. De plus, l`habitude et la memoire sont les instruments de la mort et de la resurrection perpetuelles conditionnees dans le temps. Nous y decelons un pessimisme ambiant a travers lequel Beckett voit `la vie du corps sur terre comme un pensum maudit` et qui deviendra par la suite comme le leitmotiv de ses oeuvres a venir. Enfin, l`analyse descitations des passages de Proust revele un Beckett qui ne se conforme pas aux conventions academiques - il refuse de suivre le chemin trace par ses predecesseurs -, mais un jeune essayiste, et non un critique litteraire qui commence a decouvrir sa propre voix a travers celle de Proust.