En 1947, Jean Vilar creait , qui devint l`annee suivante le Festival d`Avignon. Trois ans apres, Jeanne Laurent proposait a Jean Vilar de creer a Paris, au Palais Chaillot, une nouvelle institution -- le Theatre National Populaire-- suite a l`extraordinaire resonance de cette manifestation, qui fut le courant le plus representatif du “theatre populaire” en France. Vilar revait d`un theatre qui devienne, au sens plein du terme, populaire, qui s`adresse aux ouvriers autant qu`aux autres classes de la societe. Pour Vilar, le theatre devait assumer conjointement trois obligations majeures: un public de masse, un repertoire de haute culture, une regie qui n`embourgeoise pas, ne falsifie pas les oeuvres. Vilar part d`une certitude tres simple et tres ferme. Son ambition, c`est de restaurer, de retrouver le “theatre tout court” Mais dans les textes de Vilar, nous avons trouve des concepts contradictoires du “theatre tout court” D`abord, en retablissant les nouvelles traditions, il ne veut que prolonger, accomplir ce qu`ont entrepris ses predeccesseurs immediats. Puis Vilar veut retablir le theatre dans sa dignite essentielle et dans sa verite active. Il veut egalement que l`acteur soit artisan superieur dont la principale fonction est de savoir rester un interprete comme Hegel le definit dans son ≪Esthetique≫ Il pense que le theatre sera ainsi restitue a lui-meme. C`est l`existence d`un certain ordre esthetique que demandait Vilar: l`ordre du theatre. Mais l`existence d`un ordre ou individualite et collectivite, creation et interpretation se conjuguent est bien incertain. Ensuite, c`est de “regisseur” a la place de “metteur en scene” que Vilar voulait seulement entendre et faire parler. Mais le mot n`efface pas la fonction, et “regisseur” ne saurait retablir l`ordre ideal du theatre. Vilar a avoue et reconnaissait que l`histoire du theatre de ces trentes dernieres annees se centrait autour de metteurs en scene celebres, Copeau, Gemier, Dullin etc. Pour lui, la regie est le point faible du theatre. Apres, Vilar s`interroge son grand theatre qu`il avait cru si facile de reinstaurer. C`est bien sans doute la fascination de l`Histoire qui a amene Vilar a faire du theatre. Cependant le theatre ne saurait etre le lieu ou Histoire s`accomplit, et ne leve pas la contradiction entre la collectivite et l`individu. Le “theatre tout court” n`existe pas. Vilar n`a jamais cesse de mesurer les reves de l`individu et la realite de la societe tout comme la liberte de l`acteur et la tyrannie du texte, en rejetant toute autre meditation que le plancher nu des treteaux. C`est son merite et a la fois son vice.