L’objet de notre etude est d’expliciter le fondement empiriste du projet autobiographique de J.-J. Rousseau, dont la position face a l’“esprit systematique” du XVIIIe siecle se deplace subtilement par le passage des Confessions aux Reveries du promeneur solitaire. Nous y procedons en deux temps : tout d’abord, par un essai de definir, dans le “systeme des connaissances humaines” de d’Alembert, la place du projet autobiographique rousseauiste degage du Manuscrit de Neuchatel, pour integrer ce projet dans le presuppose philosophique de l’epoque ; puis, par une observation de la fuite de Rousseau hors de ce presuppose projetee dans La Premiere Promenade, pour evaluer cette deviation par rapport a la position de d’Alembert dans les Elements de philosophie. Ce qui est interessant, c’est cette evolution de l’idee autobiographique est accompagnee d’une autre evolution du modele methodologique : de la chambre obscure des Confessions au barometre des Reveries. Et nous pensons que la concordance des deux evolutions n’est jamais anecdotique, mais significative. L’analyse de cette relation nous mene a la conclusion suivante : que la nature du projet autobiographique comme premiere tentative de la science de l’homme “experimentale” montre que ce projet se forme dans une perspective epistemologique des Lumieres qu’est la science empirique ; mais que l’evolution du projet autobiographique se fait avec une critique de cette perspective.